Après « agilité » ou « résilience » voici le mot « vivant » mis à toutes les sauces. Encore une notion reprise pour des raisons mercantiles et qui sera très vite saturée pour passer à autre chose et le vivant, lui, continuera d’être massacré, en silence.
Lorsqu’aux informations j’ai entendu que 32 millions de volailles avaient été tuées[1] à cause de la grippe aviaire ou 17,5 milliards d’arbres abattus chaque année[2] j’ai failli vomir, j’ai été aussi bouleversée que lorsque l’on a parlé de millions d’êtres humains tués ou exterminés dans les guerres, la Shoah ou toute forme de génocide de par le monde.
Si nous ne sommes pas pris de spasmes et chavirés jusque dans nos tréfonds c’est que ces informations sont juste des données sur un papier ou sur Internet.
Alors nous pouvons multiplier les citations, telle celle d’Elisée Reclus « l’homme est la nature prenant conscience d’elle-même », nous n’y sommes toujours pas.
Il y a les militants écologistes qui font bouger les choses et même là, parfois, on reste dans le monde des idées.
Il nous est nécessaire de ressentir dans notre chair ces différents génocides comme Valérie Cabanés le rappelle en évoquant l’écocide[3]. Ce n’est pas intellectuel, cela fait appel à la sensibilité dont parle Baptise Morizot, c’est-à-dire une empathie avec TOUT ce qui est vivant au point de pleurer et de se sentir meurtri profondément pour chaque être massacré pour l’unique motivation de répondre à nos désirs et besoins d’êtres humains.
Et par sensibilité au vivant, je n’entends pas une espèce de sensiblerie ni rien de gentillet. La sensibilité dont je parle doit s’entendre en lien avec le « partage du sensible » : c’est ce qui occupe le champ de l’attention collective.
Baptiste Morizot
Il a fallu aller chercher les représentants des peuples premiers pour comprendre, du bout de l’intellect, cette communion absolue que les mystiques nous avaient également indiquée.
L’urgence est à incarner cette communion avec le vivant, écouter ses vibrations et pas juste aller embrasser les arbres, les écouter murmurer… Alors oui les peuples premiers et certaines pratiques anciennes savaient aller écouter ce que disait la forêt, planter un arbre après l’avoir abattu, faire une cérémonie pour l’esprit de celui-ci. Ce n’est pas juste de l’animisme que nous avons sacrifié sur l’autel des religions monothéistes, c’est le non-sens de se sentir vibrants et unis, tous en un filin bruissant.
Avec 13,4 millions d’entrées pour Avatar et les milliers de vues sur toutes les plateformes combien parmi nous communient discrètement avec TOUT ce qui est vivant, visible ou non visible ?
L’humain mène une guerre contre le vivant. S’il gagne il est perdu.
Hubert Reeves
Pour nous élever au rang d’être humain raisonnable et civilisé nous avons sacrifié notre biomanité et nous irons jusqu’au bout de sa destruction par appétit aveugle et déni dominant.
Osons saisir le réel par l’entièreté de notre être, des tripes, au cœur en passant par la pensée, sentons-nous vibrer comme les feuilles dans le vent, alors si nous incarnons véritablement cette union, nos actions seront modifiées. Nous n’aurons plus envie de sacrifier autant de vies juste pour préserver notre espèce, nous comprendrons au sens étymologique de « cum-prendre », prendre ensemble, la chose et le sujet.
Rêvons d’être tous en symbiose avec les autres êtres vivants et que chaque mort nous entache de deuil, nous serons tellement submergés par les rituels de pardon et de commémoration, que peut-être nous pourrons mettre notre énergie au service du vivant, « pour de vrai ». Chiche !
On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux.
Mahtma Gandhi.
[1] https://www.leparisien.fr/societe/sante/grippe-aviaire-le-risque-en-france-releve-de-modere-a-eleve-les-volailles-vont-etre-confinees-05-12-2023-2FKXVA5BENHIDKQYBUMXEO5QEQ.php et 16 millions en 2022.
[2] https://www.geo.fr/environnement/pourquoi-lextinction-des-arbres-serait-elle-une-catastrophe-pour-lhumanite-la-reponse-en-7-chiffres-cles-211607
[3] Proposition de définition du crime d’écocide : Constitue un crime d’écocide, toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées. Et : « Crime d’écocide : actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables.» Valérie Cabanés.







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