Oui, ce titre est passablement sibyllin, je l’avoue.
On dirait un intitulé de thèse de doctorat.
Ma façon à moi de jouer au docteur.
J’ai pourtant largement passé l’âge…
Mais promis, vous allez vite comprendre.
Ce sera beaucoup plus digeste que les trois cent pages d’un thésard féru de linguistique.
Un peu de mystère, à seule fin de créer du désir.
De lire.

Hier, un de mes écrits aléatoires semble avoir trouvé un bel écho.
Un nombre de lecteurs plus importants qu’à l’accoutumé y ont résonné.
Et l’ont fait savoir en des termes qui exprimaient la sincérité de cette résonance.

Ainsi donc, parfois, les mots résonnent.
Ainsi, parfois, l’écrit n’est pas vain.
Ce n’est pas tant l’ego qui en ressort tout chose.
A moins que d’être mû par de véritables ambitions littéraires.
A moins qu’en son atelier vouloir assembler des mots en vue de plaire.
Aucun mérite à ce qu’il reste tranquille sur ce coup-là mister l’ego, nul besoin de le tenir en laisse : il n’est tout simplement pas concerné par le résultat.

Non, c’est un autre sentiment qui en sort tout émoustillé : le sentiment d’utilité.
Je ne connais pas l’ivresse des dédicaces, n’étant pas écrivain.
J’aime beaucoup ce que vous faites…
J’ai lu tous vos romans…
Pour Michel, s’il vous plaît…
Mais avec les réseaux sociaux d’aujourd’hui, force est de constater que la littérature de blogueur inférieure à deux feuillets peut bénéficier potentiellement d’une audience des plus réactives.
Ainsi, parfois, ça résonne large.
Comme une grâce.
Un écrit qui ne vous appartient pas dès que les premières phrases tombent.
Un écrit qui ne vous appartient plus dès que saisi par le plus grand nombre.
Un écrit qui ne vous a jamais appartenu.

Je pense soudain à Han Shan.
Ce « Fool on the hill » qui écrivait parfois ses poèmes à même la roche.
Éphémère visibilité de textes pourtant passés à la postérité (merci, en France, au travail exceptionnel des Éditions Moundarren).
Treize siècles plus tard, cela me renvoie aux médias sur lesquels je viens régulièrement déposer ma prose, et même parfois ma poésie.
A l’heure du numérique, on peut considérer qu’il y a deux grands types de médias : ceux dont on est locataire et ceux dont on est propriétaire.

Les premiers sont constitués pour l’essentiel des réseaux sociaux. L’exposition de ce qui y est publié n’est pas maîtrisée par l’auteur. On y parle beaucoup au conditionnel. Il y aurait des heures et des jours pour publier. Il y aurait les bons mots clés, les bons tags. Des spécialistes du digitalo-nébuleux seraient à même de vous aider dans vos planning éditoriaux sur les réseaux. Ce dont on est certain, et non pas serait certain : il y a la volonté permanente de ces réseaux de vous sortir du freemium pour envisager de l’abonnement ou des campagnes facturées TTC. Nous savons tous que le robinet de l’exposition n’est jamais ouvert au débit maximum. Tout cela nous échappe bien sûr.

Dans les médias digitaux dont nous pouvons par contre être propriétaire, on retrouve les sites internet, les blogs, les newsletter… Nous constituons nous-mêmes notre audience, adresse mail par adresse mail. Dans le plus total respect du RGPD of course. Les envois sont 100% ciblés. Sur une communauté concernée, le bilan C02 y est bien meilleur.

Scribe du XXIème siècle, je pratique la news autant que le post sans audience connue, le snackcontent autant que le thought leadership.
Mais pour revenir à la pratique rupestre d’un Han Shan, je crois que son équivalent digital est plutôt du côté des réseaux sociaux que de la news.
Les réseaux appellent cela du contenu « natif ». Ils le préfèrent aux liens que vous déposez chez eux vers un média dont vous êtes propriétaire : newsletter ou site internet. Ils n’aiment pas trop que vous les utilisiez comme planche d’appel pour créer du trafic dans vos propres murs.
Finalement, cet esprit me convient bien.

Je vais de plus en plus m’orienter sur du post natif, je crois.
Comme sur le rocher, bientôt délavé par les pluies et gagné par les mousses, cette dimension à la fois éphémère et non maîtrisée de l’exposition me convient.
Je me dépossède totalement de la dimension « engagements » (Like + commentaires + partages) qui est une bien inutile et bien vaine tension. Une toxique injonction.
L’amour des mots ne doit pas devenir l’amour de ses propres écrits. Un score. Une stat. Une obligation de résultat.
Franchement, est-ce qu’on attend véritablement une réponse d’une bouteille à la mer ?
La seule perspective qu’une personne, une seule personne, un jour, quelque part, ailleurs, pose ses yeux sur votre lettre, suffit à donner sens au projet. À créer une sereine excitation dans l’expérience.

J’aime cette idée d’un écrit éphémère, dans l’optique d’être lu, certes, mais dans le projet d’être reconnu, certainement pas.

Écrire sans laisser de trace.
Autre que celle laissée par un canard qui avance sur un étang.
Une trace dans l’eau.

Je veux être utile.
Juste utile.

« Comme une langue ancienne qu’on voudrait massacrer…
Je veux être utile à vivre et à rêver. »
(Julien Clerc, Utile)

(texte écrit le 5 octobre 2024, au lendemain du partage d’un de mes posts par Gilles Farcet)

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