Le secteur de l’industrie reste encore un énorme consommateur d’énergie. Pour autant le potentiel demeure sérieux. Plusieurs acteurs de la filière se sont mis en selle pour ne pas manquer l’embarquement vers la transition énergétique.
Dans le chimérique collectif autant que dans les agissements, le monde de l’industrie est indubitablement l’un des plus énergivores. Et pour cause, selon le GIMELEC (Groupement des industries de l’équipement électrique, du contrôle commande et des services associés) « environ 50 % sur la part de l’énergie mondiale est consommée par la filière industrielle. » Rien qu’en France, pays délaissant son industrie au profit du tertiaire, un quart des consommations est dû au secteur industriel. Par conséquent, on conçoit naturellement que les efforts réalisés dans la filière occupent une place de choix dans la transition énergétique initiée en France… Pourtant, il n’en est rien : toute l’attention semble canalisée par le secteur du bâtiment, avec le soutien de labels médiatiques et de « bâtiments vitrines ». Le secteur industriel serait-il donc à la traîne ? Non, rassure le GIMELEC. Selon lui, « l’efficacité énergétique industrielle est une filière d’excellence, » terme employé par Hugues Vérité, Délégué Permanent du Comité Stratégique de Filière Industries pour la construction.
Consolidations à mettre en œuvre
L’atout comparatif du secteur de l’industrie reste les distances de consolidation. Celles-ci sont conséquentes. Là où les bâtiments neufs de modèle « basse consommation » paraissent avoir atteint leur pic de performance, la filière explore de nouvelles solutions dans la rénovation.
Trois leviers sont identifié : la chasse au gaspillage dans les installations, l’optimisation des achats d’énergie, et somme toute les investissements techniques et technologiques. Pour les deux premiers, c’est un potentiel important d’économies d’énergie réalisable uniquement à travers une meilleure gestion, sans requérir à de coûteux investissements.
Pour l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), l’industrie a un rôle « majeur dans la transition énergétique. » Elle affiche également le nom d’« Agence de la transition écologique » et informe sur le fait que les trois quarts des solutions, autant technologiques qu’organisationnelles, sont déjà présentes.
Manque d’énergie des grande groupes
Le développement d’un produit plus respectueux de l’environnement est devenu un enjeu clé dans l’ensemble des domaines industriels. De l’éco-conception à l’utilisation de carburants plus efficaces et moins polluants, l’ensemble des secteurs industriels cherchent à innover, à se transformer. Accompagner les entreprises de secteurs clés à innover via ses différents produits, et améliorer leur performance tout en réduisant leur empreinte carbone en tenant compte des nouveaux enjeux environnementaux. Dans un environnement où les audits énergétiques sont toutefois devenus obligatoires et où les préceptes de management de l’énergie se développent rapidement, les groupes industriels français ne montrent pas leur détermination, souligne l’Ademe. « Pas de budget, pas assez de rendement, trop compliqué » s’avère être la ritournelle récurrente dans les directions financières et générales. Faire entendre à ces dernières les économies potentiellement réalisables en leur montrant le prix réel du « négawatt » (ndlr : le mégawatt non consommé) souscrirait peut-être à leur faire prendre conscience du levier de compétitivité qui s’offre à eux.
Tension sur la planète
L’avenir de la planète est donc suspendu en grande partie à la faculté de l’industrie à mettre sur le marché des produits compétitifs. L’industrie automobile américaine face à la concurrence japonaise demeure un exemple. La notion de développement durable a fait son chemin. Le citoyen a un nouveau regard sur le produit. Les notions d’éco-conception, d’analyse du cycle de vie et d’économie circulaire sont de mieux en mieux comprises, et les entreprises sont obligées de se les approprier. Le consommateur veut comprendre et s’interroge. L’industrie doit devenir le partenaire qui contribue au bien commun.
Le fait que l’industrie transforme et transporte matière et énergie permet de vivre ensemble : écoles, supermarché, soins, transport, travail, divertissement. Énormément de villes accueillent des systèmes de production, qui deviennent des villes à part entière. L’industrie conduit à la notion de ville intelligente et d’amélioration de qualité de vie à l’aide de nouvelles technologies, permettant de réduire les couts énergétiques et l’empreinte carbone. Les similitudes avec les systèmes productifs classiques sont frappantes et les moyens d’étude qu’ils sous-tendent comparables.
Une révolution industrielle
L’innovation est partie intégrante de notre système économique. D’ailleurs, le fait que les chercheurs cherchent et « trouvent » est un pilier de notre fonctionnement économique au même titre que la capacité des banques à prêter de l’argent aux industriels pour financer leur recherches et développements. Le défi qui se pose est celui de la capacité de l’homme à s’emparer des enjeux du développement durable pour les transposer dans notre modèle économique préexistant en lui appliquant strictement ses contraintes propres.
Une fois établies les conditions d’une économie durable, reste à élucider une autre question : une économie durable peut-elle se construire et s’épanouir au sein d’un modèle capitaliste libéral ?
Abdellatif Azdine
(Crédit photo : Shutterstock)

Ludovic ASSO – CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE Nice Côte d’Azur, Responsable Pôle Industrie et Énergie – Spécialiste des questions d’Écologie industrielle et territoriale
L’ANTHROPOSCÈNE. L’industrie a-t-elle un rôle à jouer dans la transition énergétique ?
Ludovic ASSO – Il faut mettre en avant tous les dispositifs existants. Actuellement, il y a vraiment beaucoup d’industries qui mettent tout en œuvre pour réussir la transition énergétique, la prise en compte de l’enjeu, l’envie politique et les financements. C’est vraiment le moment d’y aller et l’accompagnement des acteurs techniques comme la CCI invite à l’engagement de la transition énergétique. La problématique de la transition énergétique sera réglée à un tiers par l’État, un tiers par les entreprises et un tiers par les particuliers, chacun aura sa part du travail à accomplir. L’industrie a deux façons d’intervenir dans la transition, d’abord par ses propres principes à engager la transition énergétique industrielle. Les industriels sont des fournisseurs de service énergétique et c’est également par cette mobilisation des acteurs de l’énergie qui nous est confiée au travers du club Énergie Côte d’Azur, qui est le rassemblement de toutes les entreprises de l’énergie des Alpes-Maritimes. C’est aussi par ce vecteur que l’industrie contribue à la transition énergétique.
Ce nouveau modèle de société n’exclut-il pas la rentabilité des entreprises ?
Avec l’augmentation du coût de l’énergie, les modèles économiques commencent à apporter des solutions pour être rentable. Nous avons une parité de coût de production d’énergie renouvelable qui est le même que celui de la production de l’énergie standard comme l’IPR, nous arrivons à un équilibre de coût avec un investissement qui devient de plus en plus rentable. Pour autant nous devons rattraper la dette écologique que nous avons nous-même créée par la distorsion de modèles économiques qui s’est dégagé dans les 30 dernières années, forcément les enjeux de transitions écologiques auront, globalement, un coût qu’il faudra porter collectivement. Aujourd’hui avec le coût de l’énergie, l’investissement énergétique devient vraiment une pièce maîtresse de la rentabilité et de la différenciation des entreprises. C’est une vraie prise de conscience et un passage à l’acte qui s’accélère.
(Crédit photo : Ludovic ASSO / DR)