Le vieil homme dans ses années crépusculaires a peu de passe-temps
Je désire seulement être sans affaire et dormir toute la journée
Le vent violent et la pluie cinglante sévissent
La petite chambre à la fenêtre basse convient à ma quiétude
Le poêle qui rougeoie et le vin vert suffisent à satisfaire ma vie oisive
Les oranges jaunes et les crabes pourpres sont au summum de la fraîcheur et de leur parfum
Coupe après coupe, la fatigue survient
Sans attendre j’ouvre la tenture en papier et me jette sur la couverture barbare
Mon ronflement fait vibrer toute la maison
Le livre que je tenais tombe par terre
Je ne me soucie guère que les inspecteurs rapportent que je suis souvent ivre
Et ne fais pas plus attention aux moqueries de mes jeunes amis à propos de ma bedaine
À étudier les livres, dix mille rouleaux, une fois vieux j’ai enfin compris
Mais cette recette merveilleuse et secrète ne se transmet pas
Suis-je sobre, suis-je ivre, personne ne peut le deviner
Ni en train de rêver ni éveillé, mais parfaitement lucide
Passant tel un cheval au galop, les cent années sont fugaces comme la rosée ou l’éclair
Toute cette époque tumultueuse se consume comme l’huile d’une lampe
De l’élixir de longue vie qu’il faut neuf fois raffiner je n’ai pas le loisir de m’occuper
J’ai plutôt en ce bas monde la réputation d’être un immortel du sommeil
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LU YU
Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise
(1125 – 1210)
