Le développement mondial organise nos coutumes de vie et les méthodes qui y sont scellées, enfermant ainsi nos sociétés en état de surabondance énergétique croissant et permanent de même qu’une consommation à un niveau non soutenable et croissant d’énergies fossiles dont la réduction reste une priorité pour le climat. Entre la puissance des énergies renouvelables non émettrices de CO2 et la recherche d’une maîtrise de la demande, la sobriété énergétique est la clé incontournable de la transition énergétique.
Vers un nouveau modèle fondé sur la sobriété
La crise climatique et écologique présume de porter une transition réfléchie de notre système énergétique carboné, non renouvelable et coûteux par un nouveau modèle formé sur la sobriété. Cette transition implique de considérer nos nécessités et nos règles énergétiques afin d’aborder la réduction du coût des ressources fossiles, de la sortie progressive du nucléaire et des inégalités économiques et sociales. À l’heure de l’inflation des coûts de l’énergie, la sobriété énergétique est non seulement un impératif écologique mais aussi désormais une contrainte géopolitique. La transition se doit d’être collective et démocratique pour une mutation sociale, économique et culturelle.
Une transition déjà possible
Nos références sociétales se sont étendues à partir d’une consommation prospère de l’énergie à bas coût, cette offre interroge à la fois les règles sociales et la dépendance énergétique. Chaque année, nous générons quelque « 730 kg de déchets urbains, laissons pourrir 110 kg de denrées alimentaires intactes et émettons en moyenne plus de deux tonnes de CO2 dans l’atmosphère lors de nos déplacements aériens. »(1) Une fatalité ?
Non, si l’on en croit le concept de sobriété. Plus que jamais d’actualité, la « sobriété » centralise des évidences variés à travers des démarches de frugalité, simplicité, zéro-gaspillage, efficacité, sobriété énergétique, ou encore de dé-consommation. Le dénominateur commun de ces multiples approches reste l’étude de mesure dans la production et la consommation de produits, de matières, ou d’énergie. Outre le terme employé, la sobriété se développe entre deux grandes approches : « une approche institutionnalisée »(2) quireste centrée sur la recherche d’efficacité et compatible avec la poursuite de la croissance économique et « une approche émergeant dans des mouvements citoyens »(2) centrée sur une transformation plus profonde des pratiques individuelles et des modes de vie.
Reconsidérer le système énergétique
La sobriété, demeure la suffisance. Donc l’opposé de l’excès. Cette image recouvre des idées très variées tendant vers la même finalité: être satisfait en consommant moins de ressources. Une démarche bénéfique, à la fois pour l’être humain et pour l’environnement. «L’interrogation sur l’énergie se situe au croisement des enjeux économiques et climatiques. La visée suprême de la transition énergétique est de reconsidérer le système énergétique afin qu’il soit résolument au service d’une économie à faible teneur en carbone.» (3) Cela engage une mutation indispensable du rôle habituel de l’énergie dans l’économie. Ne plus produire énormément à des coûts faibles, l’utiliser pour améliorer les rendements des différentes activités économiques (agriculture, industrie, transports) pour ainsi soutenir les besoins de croissance rapide de l’économie. L’objectif, procéder à une transformation du secteur énergétique participant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Une transition élémentaire ou pas si simple
Négawatt a souligné sa « difficulté à produire des scénarios de transition vers la sobriété. »
L’anicroche résulte des effets de la sobriété. Loin d’être une simple démarche volontariste, elle reste principalement une réflexion sur les conséquences de son application. Celle-ci mobilise des questions de justice sociale (accès équitable à l’énergie), mais aussi économiques (quels effets sur notre modèle productiviste et consumériste ?)
Autrement dit, ce sont des questions éminemment politique qui nécessitent des arbitrages de fond. Le mot reste fréquemment utilisé dans un usage performatif, incluant en lui-même une orientation. À l’idée même de s’interroger sur sa mise en œuvre, un certain nombre de difficultés surgissent.
La problématique reste, donc uniquement d’ordre éthique. Comment expliquer l’usage de cette notion alors que les inégalités sont aussi importantes ? La sobriété reste avant tout une question d’équité : en situation d’épuisement des ressources, de coûts énergétiques, de leurs conséquences écologiques sur le climat, comment construire une politique de sobriété équitable ? Le système énergétique mondial est au centre des plus gros dilemmes de notre époque. Celui du développement qui oppose la prospérité à la pauvreté, celui de la confiance qui oppose la globalisation à la sécurité et celui de l’industrialisation qui oppose la croissance économique à l’environnement. Il y a toujours eu des tensions au sein du système énergétique mondial, mais il est évident aujourd’hui que celles-ci sont de plus en plus vives.
Source : (1) WWF – (2)NegaWatt – (3) World Economic Forum : « Energy transitions: Past and Future »- ADEM