Je l’entendais jusque chez moi.
Une belle fanfare et son tuba pour le tempo des grands rendez-vous avec les huiles locales.
En premier plan, le flow d’un genre d’animateur de supermarché, toutes cordes vocales dehors, pour ce rendez-vous tant attendu dans mon quartier : l’inauguration du parking-jardin Jeanne d’Arc, face à l’église éponyme.
C’était le 23 octobre dernier.
Après 3 ans de travaux qui ont mis les nerfs des riverains à rude épreuve.
C’est bien en ce sens qu’il faut lire le titre de l’article de France Bleu de cette inauguration : « Le nouveau parking Jeanne d’Arc et son jardin inauguré après des années de travaux, les habitants soulagés. »
Un chantier ouvert quasiment 7 jours sur 7 et ce, bien souvent, trop souvent, jusqu’au bout de la nuit. Du reste, il a été inauguré, mais il n’est pas terminé. Les travaux continuent à l’heure où j’écris ce billet.
Quand y en a plus, y en a encore !
Bref, inauguration à la va-vite d’un chantier toujours en cours.
Impression permanente dans cette ville d’une manipulation permanente des évènements. Traduction : d’être pris pour des imbéciles…

J’espère en tout cas que ce chantier n’est pas estampillé RSE à l’aune du bien-être des riverains.
Soyons certains par contre que son offre prétend cocher toutes les cases du green. Et entend bien le claironner !
Et pourtant…
Côté greenwashing, on est quand même bien servi avec ce projet.
Pas question de faire dans le bashing avec cette municipalité.
La Coulée Verte a fait grand bien à la ville.
Mention spéciale aux grandes pelouses où l’on peut s’étendre ou jouer au ballon avec ses enfants.
Pour ce qui est du parking-jardin de Jeanne d’Arc, j’attendais personnellement une telle dimension de convivialité. Une démarche de restitution de l’espace public à un usage de loisirs, de rencontre et d’échange.
Il n’en sera rien. Et ce n’est pas le seul constat négatif que je peux faire.
J’aurais pourtant aimé applaudir des deux mains.
Il y a ce triple constat que le tout-voiture l’a emporté, que la convivialité est resté absente du cahier des charges des urbanistes de cette ville, et enfin que le critère ZAN (Zéro Artificialisation Nette) a été superbement ignoré.
Dégager un parking pour… en doubler la capacité !
Le premier constat m’interroge sur ce grand écart entre les mots et les actes. La tendance actuelle est, paraît-il, de sortir les voitures des centres-villes. Nice s’y est plutôt bien attelé avec cette offre de parkings-relais à chaque extrémité de ses lignes de tramway. Jusqu’ici l’approche multimodale semble se déployer avec cohérence.
Alors pourquoi ne pas avoir fait de l’ancien parking de 90 places un parc, et rien d’autre qu’un parc ? En tant que riverain qui venait s’y garer quasi quotidiennement, je n’ai pas vu arriver ce chantier du meilleur œil. Il fut dans un premier temps un peu plus difficile de se garer. Oui mais, il fut toujours possible de se garer.
Pour rappel, ce chantier aura duré plus de 3 années. A l’usage, il était tout à fait envisageable pour moi de faire finalement le deuil de ces 90 places. Des voisins se sont organisés autrement. Louant une place de parking dans une propriété proche, ou se séparant d’un véhicule sur les deux possédés jusque-là. Durant ce temps insupportablement long en terme de nuisances sonores, j’ai donc toujours trouvé une place où me garer.
Hélas, entre le volet parking et l’approche jardin, c’est clairement le premier qui aura été favorisé. Élargissement des trottoirs, rampe d’accès au parking d’un côté, rampe de sortie des véhicules de l’autre, emprise au sol d’une statue si peu en lien avec notre XXIème siècle excepté pour le RN/FN local… Le foncier utile initial pour végétaliser aura réduit comme peau de chagrin. Et cette végétalisation est davantage dans une approche muséale que d’usage.
A Nice, quand c’est vert, ça veut dire qu’il faut circuler
Car le deuxième constat est bel et bien celui d’une absence totale de dimension conviviale. Le peu d’espaces verts qui ont pu être créés sur cette surface utile réduite ne sont pas praticables. Bien sûr, les essences jeunes et clairsemées qui y ont été plantées sont amenées à se développer. Soyons, patients. Il faut l’imaginer, c’est pas terminé, comme un artiste le dirait d’une œuvre dont il a esquissé les premiers contours.
Ok, Monsieur le paysagiste, on imagine, un jour pas prochain, les arbres hauts et le foisonnement des fleurs, herbes et autres cactées.
Mais, nul besoin d’imaginer ce que ne sera jamais ce nouvel espace vert même lorsque le vert chlorophylle inondera notre rétine : un espace où se poser.
Ce parc n’a pas été conçu pour cela, malgré la présence d’une école primaire juste en face.
Il a été conçu comme un espace de déambulation.
Un espace de passage.
J’avais fait le même constat sur le quartier de Saint Jean d’Angély, qu’on nous présente à Nice comme en « requalification » (Sois smart et tais-toi)
Dans ce tout petit parc, si vous tenez vraiment à vous asseoir, il faudra le faire comme on le fait en méditation : sans support pour le dos, et sur des bancs à l’assise passablement rude. Nous connaissons bien sûr la raison d’un tel design spartiate : ce sont des bancs anti-SDF.
Ah si, des éléments ludiques ont été installés.
J’avais été surpris de les découvrir il y a un mois au Parc Chambrun, objets incongrus venant y corrompre le charme romantique au détriment de la surface d’usage des jolis plateaux de ce magnifique parc du Nord de Nice : des bancs de musculation. J’observais cet après-midi, dans le nouveau parking-jardin Jeanne d’Arc, ce couple et ses deux jeunes enfants venant essayer les machines. Cela a duré cinq minutes. Les parents n’étant pas dans une perspective sportive de leur sortie, les enfants ne sachant que faire de ces bancs conçus pour des adultes.
Ils ont ensuite regardé les espèces de jardinières de l’agriculture urbaine que veut nous vendre à dose homéopathique cette Métropole dans ses diverses réalisations.
Saupoudrage green, végétalisation cosmétique.
Par ici la sortie, Messieurs Dames. C’est joli, c’est vert, mais bon faut pas prendre racines non plus !
Dire que Gaël Nofri, notre Monsieur stationnement, qualifie ce lieu comme un « lieu de vie ».
Seules les voitures ont le droit d’y stationner. Pour le reste, les êtres humains, les riverains, les enfants : circulez !

De la terre sur une dalle n’est pas de la pleine terre.
Reste le critère ZAN.
Là, j’avoue être ouvert aux explications.
En surface, l’on voit bien sûr de la terre.
Ok pour le projet de rafraîchissement des villes par surcroît de végétalisation. Même si ce qu’on voit complanté dans ce jardin ne va pas rafraîchir grand-chose avant longtemps. Patience les amis !
Mais alors, sur le critère ruissellement, oui, il faut vraiment qu’on m’explique.
Peut-être faut-il rappeler ou faire découvrir à Mr Estrosi, bien briefé le jour de l’inauguration pour placer le terme « ruissellement », ce qu’il en est exactement.
Pour rappel, ce qu’on appelle un sol est « la couche supérieure de la croûte terrestre, transformée par des processus climatiques, physico-chimiques et biologiques, composée de particules minérales, de matière organique, d’eau, d’air et d’organismes vivants, organisée en horizons de sols. » (Cerema).
Parmi les fonctions écologiques des sols, figure effectivement la rétention, la circulation et l’infiltration de l’eau.
En mars 2022, le Cerema publiait les résultats de son projet MUSE, financé par l’ADEME : « Intégrer la multifonctionnalité des sols dans les documents d’urbanisme ». Sur le constat que la pleine terre reste une notion à préciser dans la planification.
De cette étude de 185 pages, je retiens cette première définition : « la pleine terre est un sol urbain en capacité d’exercer tout ou partie des fonctions associés à un sol naturel. Le sol de pleine terre n’a pas forcément d’équivalent en milieu naturel. »
Il est précisé un peu plus loin que « Sont considérés comme de pleine terre, les sols (péri)urbains dits relictuels, fragments de la couverture pédologique initiale formée sous le contrôle des seuls facteurs naturels, (e.g. certains parcs ou jardins) et ceux créés par l’homme de longue date et reconnus pour exercer certaines fonctions (jardins familiaux, etc.). Leur identification est faite sur la base de la connaissance de l’histoire de ces espaces verts par les collectivités. »
L’étude établit par ailleurs ce que l’on ne peut qualifier d’espace en pleine terre, à l’aune notamment de la fonction d’infiltration citée ci-avant : « La continuité verticale entre sol et sous-sol, c’est-à-dire l’absence d’interface construite imperméable, permet d’assurer l’infiltration des eaux.(…) Dans les espaces de pleine terre, la continuité entre le sol et le sous-sol doit être assurée. Les sols sur dalles ne sont donc pas de pleine terre. »
Les sols sur dalle ne sont pas de pleine terre.
Je répète : les sols sur dalle ne sont pas de pleine terre.
Dans les espaces de pleine terre,
la continuité entre le sol et le sous-sol doit être assurée.
Les sols sur dalles ne sont donc pas de pleine terre.
(Cerema, 2022)

Voilà.
Bien sûr, mon intuition première, mon bon sens de base devrais-je dire, avait déjà donné une réponse à cette interrogation : de la terre déposée au-dessus d’un bâti souterrain de 3 étages peut-elle être considérée comme de la pleine terre apte à encaisser les pluies de l’anthropocène ?
La réponse intuitivement négative est donc confirmée scientifiquement par des spécialistes qui, eux, n’évaluent pas les choses avec leur seul bon sens.
Du reste, l’étude a compilé les définitions de la pleine terre issues des PLU de 15 collectivités.
Permettez-moi d’en citer juste deux :
> Un espace vert est considéré comme de pleine terre lorsqu’il n’existe pas d’ouvrage projeté dans les tréfonds. (…) Les espaces végétalisés sur dalle ne sont pas comptabilisés dans les espaces verts de pleine terre. (PLU de Sèvres)
> Un espace est considéré comme de pleine terre lorsqu’il n’existe aucune construction en sous-sol, ni en surplomb, à l’exception des débords de toiture, des modénatures et oriels. (PLU Maisons Alfort)
Voilà, voilà.
Encore de la cosmétique green.
J’aimerais bien connaître ce qu’on peut appeler l’éco-bilan de cet immense chantier pour un si petit enjeu urbanistique.
Un chantier à 17 millions d’Euros faut-il préciser.
J’aimerais bien connaître l’empreinte carbone de ce chantier disproportionné pour notre quartier, et qui a commencé par la réalisation d’un mur d’enceinte plongeant jusqu’à 30 mètres de profondeur.
Je n’avais jamais vu de telles machines.
J’ai rencontré et parlé avec ceux qui les pilotent, en voisins de plat du jour.
Le type d’expert, impressionnant, que l’on doit retrouver certainement sur des plateformes de forage pétrolier en mer.
Des spécialistes qui doivent gagner au-moins deux fois mon salaire. Et cela, de façon méritée eu égard à leurs responsabilités. Je revois depuis mon balcon les quantités d’eau incroyables dégueulant des mâchoires des excavatrices format XXL.
Bref, beaucoup de blabla green encore et encore.
Du béton en veux-tu en voilà habilement grimé en jardinières d’agriculture urbaine.
Tout ça pour ça.
Une centaine de places de stationnement supplémentaires, à 500 mètres de l’immense parking de la Gare du Sud.
Un espace de passage sans âme.
Une artificialisation (« altération durable de tout ou partie des fonction écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ») bien réelle des sols, alors que le chaudron méditerranéen vient de frapper dramatiquement la région de Valence en Espagne.
Last but not least : le projet a complètement abandonné le projet initial d’une piste cyclable, remontant vers… l’université !
Une chose est sûre : la notion de gratuité de service ou d’usage est étrangère à la culture de cette Métropole, terriblement dispendieuse sur tous les projets qu’elle peut mener.
Une chose est certaine : si les élus de cette ville ont entendu des voix quant à la requalification du parking Jeanne d’Arc, ce n’était pas dans le projet de bouter la voiture hors de Nice.
Parking Jeanne d’Arc
Match de (re)qualification
Bagnole : 1, Qualité de vie : 0












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